Des « heureux » plutôt que des euros !

La terrible pandémie que nous subissons aujourd’hui s’inscrit malheureusement dans la longue liste des contagions recensées dans l’Histoire. Sans remonter jusqu’à la fièvre typhoïde du Vème siècle ou la peste bubonique de 1350 qui tua plus de 30 millions de personnes en Europe, notre passé récent est jalonné d’épidémies plus ou moins meurtrières. A la grippe espagnole qui décima environ 50 millions de la population mondiale en 1918, succéda la grippe asiatique (1957) qui recensa plus de 4 millions de morts, avant celle de Hong Kong en 1968 qui tua plus de 30.000 Français.

Bien qu’elle ne soit pas très différente des épidémies précédemment citées, et probablement moins dangereuse pour l’humanité que la fièvre jaune, la peste ou le choléra, la crise du covid-19 fera date dans l’histoire. En effet, pour la première fois, les Etats ont orchestré leur propre récession en confinant à résidence plus de la moitié de la population planétaire. Le monde a ralenti et il y aura désormais pour nos générations, un avant covid-19, comme il y eût un avant 11 septembre ou un avant 2008… Dès lors, on peut s’interroger sur les conséquences de ce confinement forcé sur nos économies, nos sociétés et plus généralement sur nos modes de vie futurs (consommation, production…).

Contrairement à l’Allemagne, la Corée ou le Vietnam, nos institutions nationales ont largement failli dans l’anticipation et la gestion des moyens nécessaires à la résolution rapide de l’épidémie. Par une impréparation flagrante et une prise de conscience tardive du problème, nos dirigeants n’ont pas assuré une des fonctions régaliennes de l’Etat consistant à garantir la sécurité des habitants. Le maintien du premier tour des élections municipales ou l’afflux de supporters Italiens pour un match de foot à Lyon quelques jours avant un confinement total en sont deux preuves éclatantes. En outre, cette crise a clairement mis en évidence notre dépendance aux autres pays, notamment Asiatiques, et l’insuffisance de notre système de santé, malgré le courage, le dévouement et l’abnégation de l’ensemble du corps médical. Tous ces manquements que nous payons chèrement aujourd’hui sont le fruit des décisions politiques prises depuis 30 ans par nos élites.

Mais cette pandémie a également montré le peu de solidarité et l’indiscipline de nos concitoyens peu désireux de respecter les consignes d’un exécutif affaibli, miné par les scandales et « les affaires ». Pourtant, il faut avoir conscience que chaque entorse individuelle au confinement nous rend collectivement vulnérables et retarde le retour à une vie normalisée. Plus que jamais, la solidarité semble être la clé du problème. Le covid-19 agira comme un électrochoc et accélérera les changements déjà en œuvre dans notre société comme le rejet de la mondialisation à outrance, la remise en cause de nos élus quelles que soient leurs tendances, la revalorisation des métiers essentiels et une très forte défiance à l’égard des secteurs exclusivement tournés vers le profit. Le productivisme et le consumérisme qui dirigeaient le pays depuis 40 ans pourraient bien ne plus être les valeurs centrales de la nouvelle donne économique.

Alors, qu’allons-nous faire de cette crise ?

Je ne suis pas naïf au point de croire que l’on ne reviendra pas dès septembre au «business as usual» mais j’ai envie de croire à une autre logique économique d’indépendance nationale, hors mondialisation, mettant la valeur travail, la solidarité et la bienveillance au centre de la vie économique et de la vie tout court. Des « heureux » plutôt que des « Euros » ! Il faut tirer des leçons de ces deux mois d’isolement et du ralentissement considérable de l’activité humaine.

Le covid a permis de mettre en évidence les métiers dont nous avons un besoin vital. Faisons le vœu que les professionnels qui « sont allés au front » sortent revalorisés socialement de cette crise ; ceux des secteurs de la santé, de la sécurité, de la prévention et de la distribution alimentaire pour ne citer que les principaux. L’Etat doit prendre conscience de ce changement de paradigme, valoriser les métiers essentiels et nous proposer d’autres valeurs éthiques. Nos dirigeants doivent modifier leur perception du risque et de l’avenir en assurant notre sécurité « quoiqu’il en coûte ».

Enfin, les entreprises doivent également réfléchir à leur positionnement pendant cette crise. Nous allons assister à un grand nombre de faillites avec une lame de fond qui emportera les sociétés les plus fragiles et les moins structurées. Quel que soit le secteur d’activité, la survie des entreprises dépendra de leur capacité d’adaptation et de la manière dont elles auront soutenu leurs salariés et leurs partenaires. Dans les entreprises comme dans la vie, la solidarité, le partage et le sens de la responsabilité collective doivent primer sur l’intérêt individuel.

Derrière chaque crise se cachent des opportunités… Une fois que nous aurons pleuré nos morts et rétabli une vie normale, à nous de savoir les saisir sans oublier de remettre l’humain au cœur de nos préoccupations. C’est uniquement à ce prix que nous pourrons avancer vers des jours meilleurs.

Faites bien attention à vous et à vos proches.

 

Stéphane Lenoir