Le viager : une piste pour fluidifier le marché immobilier ?

En introduction, nous vous proposons quelques chiffres à propos du viager (source Immonot) :

  • 6 000 transactions/an soit 1% du marché immobilier global ;
  • 60% de maisons pour 40% d’appartements ;
  • 90% des transactions concernant des viagers dit « occupés » (comprenez où la personne à qui vous avez acheté le bien occupe les lieux) et 10% des viagers libres.

 

Ce qu’il faut savoir de la vente en viager

Le marché du viager se compose d’une part, des vendeurs (les crédirentiers, souvent des personnes âgées), et d’autre part, des acquéreurs (les débirentiers).

L’achat se fait en deux temps :

  • Paiement d’un bouquet (environ 10 à 30% de la valeur du bien)
  • Paiement d’une rente viagère (jusqu’au décès du crédirentier)

Une vente en viager assure au vendeur un complément de revenus tout en restant chez soi. Pour preuve, près de 9 Français sur 10 déclarent souhaiter vivre leur 3ème et 4ème âge à domicile (source Insee).

Le viager répond à des problèmes « de fond ». Notamment dans les villes et communautés urbaines, le marché immobilier se tend depuis plusieurs années avec la hausse des taux, des prix élevés et une offre faible. Ce foncier de cœur de ville est parfois détenu par des personnes âgées qui sont elles-mêmes confrontées à des problèmes à la fois humains et économiques tels que la solitude, l’éloignement familial, les soucis de santé, les retraites grignotées par l’inflation pour n’en citer que quelques-uns.

 

Le viager et ses avantages

Le viager possède également des atouts fiscaux non négligeables (liste non exhaustive) :

  • Rente viagère imposable à l‘impôt sur le revenu pour le crédirentier après abattement de 70, 50, 40 ou 30% selon son âge + prélèvements sociaux de 17,2% ;
  • Garanties pour le crédirentier (priorité sur les autres créanciers de l’acquéreur, action résolutoire permettant l’annulation rétroactive de la vente si celui-ci fait défaut) ;
  • Rentes pouvant être assorties d’un taux d’intérêt qui lui-même peut être indexé sur le coût de la vie ;
  • Taxe foncière (sauf taxe d’ordures ménagères) à la charge du débirentier ;
  • IFI pour le viager occupé : le crédirentier est imposable seulement sur la valeur de son droit d’usage ;
  • Paiement fractionné d’une partie du prix pour le débirentier ;
  • Possibilité d’acquérir un bien en viager via une personne morale.

Il n’en demeure pas moins que sur le marché du viager les crédirentiers sont beaucoup plus nombreux que les débirentiers. Comprenez : il y a beaucoup plus de vendeurs que d’acquéreurs.

L’aléa lié à l’espérance de vie du vendeur, qui est le fondement même de la vente en viager, refroidit encore de nombreuses personnes, qui ont encore en mémoire l’histoire de Mme Jeanne Calment.

 

Dispositifs particuliers : le viager interfamilial et le prêt viager hypothécaire

Le viager intrafamilial, à savoir une vente en viager entre deux membres d’une même famille, pourrait pallier ce manque de demande et relancer ce dispositif. Mais c’est sans compter sur l’article 918 du Code civil qui indique qu’une opération en viager revêt une présomption de donation, à défaut d’obtenir le consentement des autres membres de la famille.

Et qui dit donation, dit droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à payer ! Entre parents et enfants, le taux des DMTG est de 20% entre 15 932 euros et 552 324 euros (taux pouvant aller jusqu’à 45% à partir de 1 805 677 euros). L’addition peut donc être salée.

Autre point d’attention liée à une donation, l’action en réduction de frères et sœurs pouvant se sentir lésé(e)s et estimant que leur réserve aurait été atteinte. Plus simplement dit, c’est une action en justice qui permet de forcer l’héritier avantagé à restituer le trop-perçu à l’héritier lésé, permettant ainsi de rééquilibrer la réserve héréditaire.

À l’heure où nous écrivons ces lignes (le 28/09/2023) se tient le Conseil supérieur du notariat à Deauville, qui doit discuter, entre autres choses, du viager et le viager intrafamilial comme outil de réponse pour fluidifier le marché du logement avec probablement des demandes afin de réhabiliter ces dispositifs (comme par exemple la modification de l’article 918 du Code civil).

 

Autre mécanisme intéressant : le prêt viager hypothécaire, codifié à l’article L314-1 du Code de la consommation, pourrait lui aussi être un mécanisme à étudier. Il s’agit d’une solution de financement destinée aux seniors qui ont souvent des difficultés à contracter des emprunts bancaires.

Vous acceptez de mettre un bien immobilier dont vous avez la propriété en garantie d’un crédit sans avoir à rembourser ni le capital, ni les intérêts de votre vivant. Il s’agit d’une hypothèque dont le remboursement (capital + intérêts) n’intervient qu’au décès de l’emprunteur. À votre décès, la banque récupère les sommes dues via la vente du bien mis en hypothèque. L’objectif de ce dispositif est double : améliorer la situation financière des aînés tout en réduisant leur dépendance vis-à-vis de leurs familles.

Il n’en reste que ce dispositif se fait rare et peu de banques le proposent ou communiquent à ce sujet.

 

Ces deux dispositifs sont à manier avec précaution et il est indispensable d’être bien accompagné pour les mener à bien.

 

Il faudra probablement beaucoup d’évolutions réglementaires et de transparence pour transformer le marché du viager en France, qui reste encore un marché de niche, alors qu’il pourrait répondre à de véritables problématiques de notre quotidien et aider aussi bien nos seniors que le marché de l’immobilier en lui-même.